Ancien chef de service de pneumologie-allergologie de l’Hôpital Nord à Marseille, par ailleurs administrateur et membre du Conseil Scientifique d’AtmoSud, le Professeur Denis Charpin revient sur la première source d’allergie aux pollens en région Sud : le cyprès.
Les pollens de cyprès sont responsables de près de trois quarts des cas d’allergies aux pollens dans la région. Comment expliquez-vous cette ampleur ?
Denis Charpin : Je me souviens que dans les années 1960, mon père, qui était président de la Société française et européenne d'allergologie, affirmait que le cyprès était peu allergisant. En vérité, à l’époque, c’est un allergène qui était difficile à extraire en laboratoire. Dès que la technologie a progressé sur ce point, on s’est rendu compte qu’il était au contraire très allergisant. Je me souviens d’un article scientifique italien paru en 1995 qui montrait une prévalence importante du nombre d’allergiques d’une année sur l’autre suite à cette avancée. En parallèle, lorsque les banlieues ont pris leur essor, on a vu des milliers de haies de cyprès envahir les villes, quand il était commun de les trouver en zone plus campagnarde. Ils se sont alors trouvé à proximité directe des humains. Or, une haie de cyprès, ce sont des milliers de milliards de pollens qui se répandent dans l’air.
Il faut aussi relever que les maladies allergiques sont devenues plus fréquentes. Notamment à cause du réchauffement climatique, mais aussi de nos modes de vie plus aseptisés. On dit d’ailleurs que quand un nourrisson arrive avec de la terre sous les ongles, que c’est bon signe, pour souligner l’importance de renforcer nos systèmes immunitaires.
Cette augmentation des cas d’allergie au cyprès, vous avez pu la constater au sein de vos services au fil des ans ?
D.C. : C’est toujours difficile d’avoir des chiffres épidémiologiques exactes. En revanche, en 2018, nous avons mené une vaste enquête dans des écoles à Marseille avec AtmoSud, qui faisait suite à la même enquête, menée dans les mêmes établissements, 18 ans plus tôt. On a pu constater une légère augmentation de la fréquence de l’asthme, mais surtout de la rhinite allergique. Vingt ans plus tôt, on avait déjà pu mesurer l’impact de l’exposition aux cyprès à Sénas, près de Salon-de-Provence, considérée comme le cœur de la région des cyprès, en testant 6 000 personnes. On a ensuite dupliqué le test sur 4 000 personnes à Marseille. La fréquence d’allergie au cyprès y était deux fois moins importante.